•  

     

     

     

     

     

     

     

    Quand j'ai le sentiment d'un fardeau trop pesant,

    Le manteau de la nuit qui vient enfin s'étendre

    Sur les toits du village, arrive à me détendre

    Et le calme du soir m'envahit, apaisant.

     

    Là, dans le clair-obscur, je revis mon passé,

    Je vois dans le miroir du temps ton beau visage,

    Ton sourire, tes yeux, et toujours cette image :

    Le petit banc, le parc, où tu m'as embrassé.

     

    J'étais si jeune encor, je n'avais que quinze ans,

    Un enfant, un gamin sans aucune expérience,

    Tu n'avais guère plus ; nous avions cette chance

    De n'être tous les deux que des adolescents.

     

    Le soir avait couvert le parc silencieux,

    Complice des désirs que le noir favorise,

    De ton geste, tu fus la première surprise :

    Tu m'offris un baiser tendre et délicieux.

     

    Et sous le clair de lune, alors, j'ai déliré

    Imaginant déjà mille et une romances...

    Mais ce ne fut hélas qu'un amour de vacances,

    Quand il fallut partir, mon cœur s'est déchiré.

     

    Ces tout premiers baisers qui nous avaient liés,

    Ces fleurs de nos quinze ans ne se sont pas fanées,

    L'enfant qu'alors j'étais, malgré bien des années,

    Jamais, oh non, jamais ! ne les a oubliés !


    7 commentaires
  •  

     

    Libre...

    Comme l'est une goutte d'eau

    Qui jaillit du cœur de la source

    Et se mêle au lit du ruisseau,

    Puis, dans les prés, poursuit sa course.

     

    Libre tel un papillon blanc

    Qui vole et, sur ta main, se pose,

    Ferme ses ailes en tremblant,

    Et sait qu'il butine une rose.

     

    Libre ! Aussi libre que le vent

    Qui vient caresser ton visage,

    Parcourant la Terre en rêvant

    Avoir glissé sur ton corsage.

     

    Mais c'est dans le creux de tes bras,

    Quand, sur ton sein, je m'abandonne

    Que je suis bien. Quand tu voudras,

    Ma liberté, je te la donne.


    6 commentaires
  •  

     

     

     

     

     

     

    Juillet nous ouvre en grand les portes des beaux jours,

    Dispensant sa chaleur si propice aux amours.

    Viens, suivons le sentier qui longe la rivière

    Je connais un endroit, une douce clairière,

    Où nous profiterons de la fraîcheur du soir.

    Et là-bas, nous pourrons peut-être apercevoir

    Une grive des bois dont le chant est superbe ;

    Là, de gentils lapins batifolent dans l'herbe,

    Ils feront s'envoler cinq ou six papillons

    Qui traceront dans l'air de jolis tourbillons.

     

    Oh ! regarde, un renard ! Vois, il rentre bredouille,

    Entre les dents, il tient une pauvre grenouille ;

    Lui, ce maître chasseur que l'on dit si finaud,

    Revient à son terrier honteux et tout penaud

    D'apporter aujourd'hui si peu de nourriture

    Pour apaiser la faim de sa progéniture.

    Sous un arbuste, un merle au beau plumage noir

    Gratte nerveusement la terre avec l'espoir

    D'y trouver un ver blanc, une larve, un insecte 

    Que, très adroitement, dans son bec, il collecte.

     

    Et puis, si tu le veux, lorsque viendra la nuit,

    Quand le calme du soir étouffera le bruit,

    Nous irons au sous-bois, nous coucher sur la mousse,

    Tu verras qu'à ton corps, elle sera bien douce

    Quand nous assisterons au lever de Vénus ;

    Je te raconterai pourquoi meurt Actarus1 

    Et tes yeux seront ceux d'une petite fille

    Quand tu t'endormiras, sous ce ciel qui scintille

    Des feux doux et tremblants de mille diamants.

    Les dieux sont bienveillants, toujours, pour les amants.

     

     

    ------------------------------------------------------------------------------------

    1 Arcturus est une étoile en fin de vie située dans la constellation du Bouvier. Son diamètre est vingt fois celui de notre Soleil.

     


    8 commentaires
  • Depuis quelque temps ma voisine

    Fait souvent entrer le facteur,

    Et ce n'est pas dans la cuisine

    Qu'elle reçoit son visiteur !

    En voudrait-elle à sa sacoche ?

    C'est sûr, y'a anguille sous roche !

     

    Je vins derrière son volet,

    (J'étais à peine à quelques mètres)

    Voulant savoir ce que voulait

    D'elle cet adepte des lettres...

    C'est là que je fus convaincu

    Que mon voisin était... cocu !

     

    Alors, pouvais-je ne rien dire,

    Ménager la chèvre et le chou,

    Garder ce secret, ou bien pire,

    Dissimuler à son époux

    Son infortune, car me taire

    Encourageait cet adultère ?

     

    J'attribuais à son mari

    Toutes les qualités d'un ange

    Et pensais qu'il serait marri ;

    Fameuse erreur car, chose étrange,

    Il rigola : notre gaillard

    S'en tamponnait le coquillard !


    3 commentaires
  •  

     

     

    Jubilez, jubilons.

    Sommes-nous heureux parce que nous sommes bons,

    ou sommes-nous bons parce que nous sommes heureux?

    Victor Hugo, Les Misérables, t. 2, édition de 1862, p. 643.

     

    Comme chaque dimanche, Anatole est heureux :

    Sur le pas de l’église, il a mis vingt centimes

    Dans la sébile en bois que tend un miséreux

    Car la largesse est l’un de ses plaisirs intimes.

     

    Il a pitié, bien sûr, de tous ces culs-terreux

    Montrant de la laideur, les symptômes ultimes,

    Mais il ne peut rien face à l’état désastreux

    De la société dont ils sont les victimes.

     

    « Ils sont ainsi, mon Dieu, voués à tous les feux »,

    Pense-t-il en son for, « parce que Tu le veux !»,

    Jurant, pour leur salut, qu’il fera des prières.

     

    Non, ne le jugez pas, vous qui lisez ceci,

    Car n’arrive-t-il pas que vous soyez aussi

    Avec votre prochain, murés par des œillères ?


    4 commentaires