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    Le Temps coule, au début, comme coule un ruisseau,

    Il s'amuse, il musarde au gré de sa jeunesse,

    Il badaude, il se sent libre comme un oiseau

    Et le Temps prend son temps puisque rien ne le presse.

     

    Il gonfle, il s'amplifie et devient un torrent,

    Il se heurte aux rochers, il bouillonne, il écume,

    Il attaque le monde, il veut sortir du rang

    Mais, petit à petit, sa fureur se consume.

     

    Après avoir franchi des jours, des mois, des ans,

    Son flot tumultueux se montre plus docile,

    La rivière du Temps, sous des cieux apaisants,

    Sommeille dans le lit d'un long fleuve tranquille.

     

    Quand, plus tard, il verra le feu du dernier port

    Eclairer le chenal de la Mer de silence,

    Mer de l'éternité qui s'appelle la Mort,

    Le Temps retournera dans le néant immense.


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    Lorsque je serai mort, pleurerez-vous Madame ? 

    Ou, pour vous consoler, prendrez-vous un amant ? 

    Vous êtes jeune encore et, fort assurément, 

    Ne pouvez résister quand votre corps s'enflamme. 

     

    Vous allez m'oublier, je n'en fais pas un drame ; 

    Je ne demande pas de faire le serment 

    De porter le grand deuil à mon enterrement 

    Ou de prier pour moi qui serai sous la lame. 

     

    Pendant plus de vingt ans, je fus votre chéri, 

    Mais aussi bien souvent l'innocente victime 

    De votre fantaisie et j'en fus bien marri. 

     

    Cependant, à présent qu'arrive l'heure ultime 

    Je dois vous avouer — et perdre votre estime — 

    Que je vous ai trompée avec votre mari. 

     

     

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    N.B. 

    Je précise que ce sonnet (irrégulier) n'est nullement autobiographique !


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    Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que les oiseaux sont ivres 

    D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !                

     

    [Stéphane Mallarmé - Brise marine (extrait)] 

     

    En naviguant, j'ai vu combien le monde est beau, 

    L'horizon m'a montré que la Terre était ronde, 

    Je me souviens du goût de la mer furibonde, 

    De celui des embruns qui collent à la peau, 

     

    Des mille bruits changeants et variés de l'eau, 

    Du rugissement sourd de l'océan qui gronde

    Au friselis que fait la houle vagabonde ; 

    J'ai gardé leurs couleurs pour en faire un tableau. 

     

    Alors, j'ai pris des mots dans le jardin des verbes, 

    Et je les ai drapés de cantates superbes, 

    Qu'en pinçant les haubans, le vent me fredonnait. 

     

    J'ai saisi les longs cris des goélands rebelles 

    Qui, dans leurs vols planants, me frôlaient de leurs ailes 

    Et j'ai tout mélangé pour les peindre en sonnet.


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  • Avertissement : L'histoire "officielle" a souvent été arrangée à la convenance des puissants de ce monde. 
    Nous essayons ici de la reconstituer telle qu'elle était... ou presque  !
    A noter que nous n'avons absolument aucun rapport avec la série "Secret d'Histoire" de S. Bern !

    Le fils de Childéric, un jour quitta Tournai 
    Et se rendit à Reims, chevauchant un poney ; 
    Délaissant son pays, il avait mis les voiles 
    Pour le divin confort d'un autel cinq étoiles. 
    Ce fut la seule fois, pour être honnête et franc, 
    Que l'on vit un évêque officier pour un Franc, 
    Et même, qui plus est, lui donner le baptême. 
    « Voulez-vous, Chlodowig, encore un peu de Chrême ? 
    Juste un petit chouia ? », lui demanda Remi. 
    Et Clovis de répondre : « Non merci, mon ami, 
    J'ai reçu pour l'instant bien assez d'aromates 
    Parfumant à l'excès cette eau que vous versâtes ; 
    Non ! Gardez, lui dit-il, ce précieux onguent 
    Car chez nous, en Belgique, à Mons, à Liège, à Gand, 
    Nous préférons le beurre à votre huile d'olive. 
    Mais lâchez, s'il-vous-plaît, cette innocente grive...» 
    - « Ce que vous dites grive est colombe, pardi, 
    Et cet oiseau nous vient tout droit du paradis. » 
    - « Voyez-vous, cher Remi, ma Clotilde est méfiante, 
    Car l'autre jour elle eut, sur sa robe, une fiente 
    Que même avec Sunlight ne put faire partir, 
    Or prévenir vaut mieux, comme on dit, que guérir... 
    Alors, fort en colère, elle brisa le vase...» 
    Clovis, interrompu, n'acheva pas sa phrase 
    Car l'évêque lui dit : « Vous me faites penser : 
    Si, par un pur hasard, vous veniez à passer 
    Dans notre Soissonnais, ce serait sympathique 
    D'aller quérir pour moi le vase liturgique 
    Qu'en sa cure détient le bon abbé du lieu ; 
    Présentez-vous à lui comme envoyé de Dieu 
    Dès lors, il ne pourra que déclore son coffre 
    Et mieux que de le vendre, au contraire, il vous l'offre ! » 
    C'est ainsi qu'un matin, notre bon Franc salien 
    Se rendant à Soissons, acquit pour moins que rien 
    De l'humble cureton, la célèbre potiche 
    Mais pendant le retour, sa chère et douce biche, 
    Piquant une colère, on ne sait trop pourquoi, 
    Cassa l'objet sacré sur la tête du roi. 
    Ne voulant avouer les querelles intimes 
    Dont les hommes souvent sont les pauvres victimes, 
    Chlodowig convoqua d'excellents troubadours 
    Pour créer un récit que Grégoire de Tours 
    A rédigé plus tard afin qu'il se répande... 
    Et voilà comment naît souvent une légende ! 

     


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    Ma douce Hélène, as-tu des ailes d'ange 

    Lorsque tu viens planer sur mon sommeil 

    Tel un oiseau dont le chant sans pareil 

    Aux arias de mon cœur se mélange ? 

     

    Quand je m'endors, je fais ce rêve étrange 

    Qu'à mes côtés, tu guettes mon réveil, 

    Ma douce Hélène, as-tu des ailes d'ange, 

    Lorsque tu viens planer sur mon sommeil ? 

     

    Pauvre de moi, mon esprit se dérange : 

    L'eau de tes yeux me semble un vin vermeil, 

    Même la nuit, pour moi, c'est grand soleil, 

    Mais j'aimerais pourtant que rien ne change ; 

    Ma douce Hélène, as-tu des ailes d'ange ?


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