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    J'aime par dessus tout quand la nuit dort, sans lune,

    Que le ciel a troqué son bleu pour le noir d'encre,

    Et que brille au zénith le diamant de Vénus.

    Le temps n'existe plus, il étire ses heures,

    Transforme chaque instant en clos d'éternité

    Où poussent par milliers les roses de l'oubli

    Dont le parfum subtil efface mes soucis.

    Dans ce jardin le loup côtoie une brebis,

    Lui passe autour du cou des lys mis en couronne,

    Souriant, un enfant boit au sein de sa mère...

    Un goût de paradis s'infiltre dans mon rêve,

    Oh ! combien je voudrais que jamais il ne cesse !


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    Tu sais, notre moulin ne tourne plus ses ailes

    Qui servent à présent de perchoirs aux oiseaux,

    Il est plein de souris qui frottent leurs museaux

    Et, sans savoir pourquoi, se chamaillent entre elles.

     

    Au dessus de l'étang, volent des demoiselles

    Et la lune s'admire au miroir de ses eaux,

    Un gros crapaud caché sous l'arche des roseaux

    Coasse bruyamment pour charmer ses femelles.

     

    Dis, penses-tu pouvoir être prête demain ?

    Oh, bien sûr, ton mari ! Dis-lui qu'il doit te croire,

    Ne pas être jaloux d'une si vieille histoire...

     

    Vois-tu, j'aurais voulu te prendre par la main

    Et t'emmener au Val, comme on le fit naguère...

    Tu n'as pas oublié ? C'est notre anniversaire.


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    Je repense souvent aux immenses cargos

    Qui mouillaient autrefois aux quais de Saint-Nazaire,

    Ils avaient à mes yeux ce parfum de mystère

    Sentant bon le Brésil, la Chine ou le Congo.

     

    J'étais si jeune alors, égaré dans mon rêve ;

    Je suivais les marins quand ils quittaient leur bord,

    Pour entrer en riant dans les bordels du port

    Croquer à belles dents les fruits des filles d'Ève.

     

    Comme j'aurais aimé bourlinguer sur les mers,

    Voir le ciel se franger d'aurores boréales,

    Attraper les oiseaux des forêts tropicales,

    Et, tel un cap-hornier, triompher des enfers.

     

    Même encore aujourd'hui, mon esprit vagabonde,

    Souvent mon regard suit, par-delà l'horizon,

    Les bateaux des Colas, Tabarly, Kersauson...

    Ô  que n'ai-je comme eux bouclé le tour du monde !

     

    Ce ne fut pas possible... ou je n'ai pas osé...

    J'ai dû me contenter d'écouter leur histoire

    Que racontaient les vents, honorant leur mémoire,

    Qu'ils soient les froids Noroîts ou les doux Alizés.

     

    Il m'a fallu ranger mes rêves de conquête,

    Je ne suis pas marin, même pas batelier,

    Je dois vous l'avouer : mon unique voilier

    N'a connu que l'étang de Marnes-la-Coquette.


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    Ce jour-là, nous étions deux cents, peut-être trois,

    A marcher en chantant sur les Champs Élysées,

    Le vent accentuait l'impression de froid,

    Nos jeunes chairs étaient insensibilisées.

     

    Quelques instants avant que ne sonne midi,

    La radio nous apprit qu'un corps de CRS

    Arrivait devant nous. Nous avons dit : « Pardi,

    Allons-y bravement, lentement ! Rien ne presse. »

     

    Mais quand on les a vus au bout de l'avenue,

    Comme ils n'étaient pas là pour visiter Paris,

    Ni pour nous souhaiter à tous la bienvenue,

    Je peux vous assurer que nous n'avons pas ri.

     

    Face à nous, le rapport n'était pas équitable :

    Un mur de boucliers cachait des diables noirs,

    Pourtant, l'affrontement était inévitable,

    On lançait des pavés arrachés aux trottoirs.

     

    Non, ce n'a pas été que de longues foucades,

    Bien sûr, le sang coulait au fond du caniveau,

    Bien sûr, il a fallu dresser des barricades

    Mais le jour s'est levé sur un monde nouveau.


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    Le ciel et l'océan paraissaient si sereins

    Quand, au loin, elle vit disparaître les voiles,

    Pourtant son cœur saignait, lourd de mille chagrins,

    Puisque tel est le sort des femmes de marins

    Lorsqu'ils quittent le port guidés par les étoiles.

     

    Elle aurait tant aimé le suivre sur les mers

    Pour aller s'assurer que la terre est bien ronde,

    Naviguer avec lui vers d'autres univers,

    Fouler le sable blanc des rivages déserts

    Et faire entre ses bras le tour du vaste monde.

     

    Va-t-il trouver là-bas  un nouveau continent ?

    Découvrir la splendeur de nouveaux paysages ?

    Mais elle fait parfois un rêve consternant,

    Sombre pressentiment qui lui glace le sang :

    Elle ne peut chasser la crainte des naufrages.

     

    Beatriz Enriquez sait que, dorénavant,

    Il faut se raisonner et se montrer plus forte.

    Mais quand l'ombre s'allonge, on peut la voir, souvent,

    S'avancer sur l'estran pour confier au vent

    Les cris de son amour afin qu'il les lui porte.

     

    _____________________

    Beatriz Enriquez de Arana fut la maîtresse de Christophe Colomb.

    Elle lui a donné un fils, Fernando, en 1488.


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