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Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre
Malicieusement, Cupidon tend son arc,
L’archerot, aux aguets, a repéré sa cible :
Une fille, un garçon qui, de l’ombre d’un parc,
Sont venus partager l’intimité paisible.
Il est si jeune encore, elle n’est qu’une enfant,
Et leurs élans sont faits d’une pure innocence
Côte à côte, ils sont là, bien sages, sur le banc,
L’un et l’autre enivrés de leur seule présence.
Comme ont fait avant eux des milliers d’amoureux,
Dans ce parc, ou ailleurs, sous un rayon de lune,
Ils savourent l’instant, mille fois bienheureux,
Et remettent leur sort aux mains de la fortune.
Il n’est rien de plus beau que de voir deux pigeons
Qui se croient seuls au monde et s’aiment d’amour tendre,
Insoucieux de tout ce que nous exigeons
Lorsque, devenus grands, on ne sait plus attendre.
Mais Pierrot ne sait pas qu’un jour, un Arlequin
Peut venir provoquer d’impétueux tumultes
Et que des fers sortis des forges de Vulcain
Brûlent parfois le cœur et l’esprit des adultes.
Tremblant, du bout des doigts, il effleure la main
Que lui laisse un instant sa douce Colombine,
Mais au fond de ses yeux, il lit que dès demain
Elle dévoilera la flamme qu’il devine.
Alors, il ne dit rien, tourne les yeux au ciel
Où le vent de l’espoir souffle et gonfle les voiles
D’un merveilleux vaisseau, fantôme, immatériel,
Qui l’emmène rêver sur une mer d’étoiles.
Tandis que Colombine imagine déjà
Son marin, son Simbad, à bord de son navire
Rapportant d’Orient, tel un maharajah,
Les parfums, les encens, le cinname et la myrrhe.
Et quand l’obscurité couvre les deux Amours
D’un manteau de silence, assis l’un contre l’autre,
Leurs échanges ne sont que bourdonnements sourds
Comme des angelots lors d'une patenôtre.
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Commentaires
Premiers émois, premiers baisers, premiers frissons d'amour... À ce moment-là, tout n'est encore qu'innocence et naïveté juvénile, le bonheur paraît à portée de main, éternel. C'est le temps où l'on se jure monts et merveilles, où l'on est sûr de mourir sans l'autre... Ils ont raison de savourer l'instant, eux, qui ne savent pas encore que les espoirs de jeunesse ne durent qu'un temps...
Très agréable à lire, on se laisse bercer par la sonorité parfaite de ces alexandrins.
Bon mardi (je reviens plus tard pour lire tes 2 autres poèmes)
Fabrice
Eh oui ! et c'est quand il est trop tard que l'on s'en rend compte.
Mon grand-père disait toujours : "Ah ! si j'avais encore vingt ans... et savoir tout ce que je sais aujourd'hui !"