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    Ce n'était pas un lac, même pas un étang,

    Non, je dirais plutôt une petite mare ;

    Mais lorsque j'y venais, je n'avais pas sept ans.

    Oh ! peut-être allez-vous trouver cela bizarre,

    Oui, pour moi, c'est un lac. Un lac ! Pas un un étang !

     

    C'était en mai, je pense, un matin,  mon grand-père,

    Avec une ficelle et quelques bouts de bois,

    fabriquait un trois-mâts, véritable corsaire,

    Depuis le petit foc jusqu'au grand cacatois...

    Quand je vois un bateau, je repense à grand-père.

     

    Il m'a conduit au "lac", pour mon plus grand plaisir,

    J'allais être Surcouf et connaître la gloire,

    Surcouf... ou bien Jean Bart, il me fallait choisir !

    Moi, les deux pieds dans l'eau, je vivais mon histoire,

    Et lui me regardait pour son plus grand plaisir.

     

    Aux aurores parfois, lorsque tout est tranquille,

    Avant que le soleil m'accable de chaleur,

    Je pars seul, sans rien dire, et je sors de la ville,

    je retourne là-bas, et sans fausse pudeur,

    Je pleure mon grand-père et sa force tranquille.


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    De ma chambre, je vois une forme d’antan

    Regarder l’horizon, pieds nus sur une roche,

    Elle ne bouge pas quand une lame approche,

    Immobile, elle attend.

     

    Dans le vent qui nous vient de la terre, on entend

    Se mêler à la mer, le glas sourd d’une cloche

    Qui blâme mon départ et m’en fait le reproche…

    Pourtant, je t’aimais tant.

     

    Les vagues de la vie, à présent effanées,

    N’ont jamais recouvert, en dépit des années,

    La trace de tes pas.

     

    La prière des flots entre par la fenêtre,

    Je m’assieds à ma table et t’écris une lettre

    Que je n’enverrai pas.


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    Un ballet d'hirondelles

    Au ciel fait mille tours,

    La Nature, avec elles,

    Annonce les beaux jours.

     

    Allongé sur la mousse

    Odorante des bois

    Baignés de lune rousse,

    émerveillé, je vois

     

    — Ô vision superbe —

    Une biche et son faon

    Venir brouter dans l'herbe

    Tendre au bord d'un étang

     

    Où quelques libellules

    Virevoltent. Le vent

    Dessine des ridules

    Et le soleil levant,

     

    Sur ses eaux, étincelle ;

    Dans un marais de joncs

    Cancane une sarcelle ;

    Et j'entends des pigeons,

     

    Ou quelques tourterelles,

    Roucoulant comme fol,

    à grands battements d'ailes

    Préparer leur envol.

     

    L'éveil de la Nature

    Annonce le retour,

    Divine quadrature

    Du printemps, de l'Amour.

     

    Si tu le veux encore,

    Viens, je t'ouvre les bras,

    Ce soir, jusqu'à l'aurore,

    Nous froisserons les draps.


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    Quand je veille le soir, de merveilleux instants,

    Images et senteurs, remontent en mélange :

    Des crapauds coassaient sur le bord des étangs,

    L’orage menaçait, l’horizon rouge-orange

    Jetait sur la nature une lueur étrange ;

    Courant pour échapper à la fureur du ciel,

    Nous avions recherché la paille d’une grange…

    J’appris là tes baisers au goût sucré de miel.

     

    Tu m’as laissé cueillir les fleurs de ton printemps

    Sans rien me demander, sans promesse en échange,

    On croit en l’avenir quand on a dix-sept ans,

    Seul comptait à nos yeux le bonheur qu’on engrange ;

    Quand la pluie a cessé, le cri d’une mésange

    A salué, joyeux, l’arche d’un arc-en-ciel,

    J’ai clos la porte afin que nul ne nous dérange

    Et pris d’autres baisers au goût sucré de miel.

     

    L’averse avait déjà cessé depuis longtemps

    Quand j’ai suivi du doigt, sur ta robe, une frange

    Dont la courbe évoquait des trésors si tentants

    Que je n’eus qu’une idée : en faire la vendange.

    Ce lointain souvenir aujourd’hui me démange,

    Ma mémoire a, depuis, perdu l’essentiel :

    Le nom de cette fille au fond de cette grange,

    Celle dont les baisers avaient un goût de miel !

     

    Femmes, vous aviez nom Margot, Ninon, Solange…

    Quand nous avons commis ce doux péché véniel,

    Comme disait Brassens, vous aviez « l’air d’un ange »,

    Mais vos baisers avaient toujours ce goût de miel.


     


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  • On dirait qu'il hésite, ou peut-être qu'il danse,

    Il arrête son vol et puis sans avertir

    Doucement, vers le ciel, on le voit repartir,

    Il descend presque au sol... mais le vent le relance.

     

    Le voilà qui s'approche, il  frôle le balcon,

    Nez collé sur la vitre, un bambin le regarde

    De son œil qui pétille, et lui, mutin, s'attarde,

    Juste avant de mourir : adieu petit flocon !   

     

    Un rayon de soleil qui fleurit sur la neige,

    Émaille le jardin d'ors et de diamants ;

    Aux cimes des sapins le vent du nord arpège

    Les accords hivernaux de ses froids instruments.

     

    Les oiseaux engourdis lancent : « Quel privilège

    Ce rayon de soleil qui fleurit sur la neige ! »

    Merles dans les taillis, alouettes aux champs,

    Adressent vers le ciel les trilles de leurs chants.

     

    Pour planter le décor, nul besoin de chorège,

    La nature, avec art, s'accommode du temps :

    Le rayon de soleil qui fleurit sur la neige

    Accroche mille feux aux miroirs des étangs.

     

    Jamais je ne voudrais commettre un sacrilège

    En souillant de mes pas cet épais tapis blanc,

    Hypnotisé, j'admire, immobile et tremblant,

    Un rayon de soleil qui fleurit sur la neige.

     


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